TEXTES

 

Une saison sur Boréa

 

Par Carine.

Chapitre V

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

_ Bettine ?!

  Boris, tire sur mon bras. Donc je dormais. Je me réveille en sursautant.

_ Ne bouge surtout pas ! Murmure t’il, le ton alarmé.

  Boris ne bouge pas, je regarde son pied avec une fascination morbide, la peau au-dessus de la chaussette est gonflée, violette, parcourue de traînées noires et pourpres, et peut-être même de nuances de bleus.

_ Là ! Me souffle t'il.

  Là donc, un dinosaure nous regarde.

  Mon cœur fait un bon, un de plus, et le temps semble se ralentir curieusement, devenir semblable à la glue, laissant s'échapper les instants comme à regret.

_ Un tyrannosaure, dit-il, fasciné.

  Une énorme bête à la peau de murène, avec une gueule capable de nous engloutir tous les deux, un oeil petit en comparaison, qui n'est pas fixé sur nous d'ailleurs. Il tourne sa tête perchée à une bonne dizaine de mètre de haut sur la droite et le sol se met à trembler, à résonner : des pas gigantesques se rapprochent, comme pendant la nuit. Boris commence à trembler physiquement, tout son corps tremble, alors que je reste pétrifiée. Dans un sinistre craquement, un puis tout un troupeau de dinosaures marche entre nous et le tyrannosaure, à notre droite, à notre gauche et même au-dessus de nous, en s'écartant pour ne pas nous toucher.

_ Des tricératops, C'est impossible.

  Je le regarde, sans comprendre.

_ Ils ne vivaient pas à la même époque.

  Boris a dû oublier qu'il n'est pas sur terre mais semblant lire dans mes pensées, il reprend.

_ On aurait pu être sur terre, dans le passé.

  Nous sommes seuls et tremblants, les dinosaures sont partis.

_ C'est incompréhensible, comme si on avait enlevé des formes de vie terrestres pour les faire vivre ici.

_ Des hommes aussi, tu crois ?

_ J'espère que ce ne sont pas des hommes des cavernes en tout cas.

  

  La réponse nous arrive très vite et à point nommé, nous n'avons même pas le temps d'avoir peur : le tyrannosaure se jette sur nous, la gueule béante, je vois qu'une de ses cuisses surpuissantes est ensanglantée, un sang rouge sombre comme le nôtre. Un éclair sifflant surgit par la gauche, fauche le monstre en pleine course, il s'abat cinq bons mètres plus loin, projeter sur notre droite par l'impact.

  Un homme se tient devant nous, un homme brun avec une petite moustache finement taillée, un casque colonial beige sur la tête, une chemisette blanche, une culotte de cheval beige et des bottes marrons en cuir, il tient dans ses mains puissantes un énorme fusil noir dont le canon est parcouru par d'étranges irisations lumineuses.

  

  Il s'approche en parlant d'une voix chaleureuse et excitée, mais voyant notre silence, il se tait à son tour puis éclate de rire.

_ Eh ! Hurle Boris.

  Le fusil se pointe vers nous et dans un bzoum carnavalesque, je m'endors, aveuglée.

  

Je vois une salle blanche, un homme habillé en blanc avec une barbiche blanche et des lunettes, coiffé d'une toque blanche, me sourit ; une femme brune, portant une blouse bleue et un tablier blanc ainsi qu'une coiffe, lui présente un plateau métallique, je suis dans un lit, je porte moi aussi une blouse blanche, je me sens bien, je sombre dans le sommeil.

  

Cela me picote les tempes.

_ Elle va se réveiller. Dit une voix chaleureuse.

  

« Je comprends ce langage étrange ? »

  

  Je force sur mes paupières, j'arrive à voir un instant avant de m'évanouir à nouveau : j'étais assise, dans une salle carrelée, la tête prise entre deux pinces, je ne me souviens de rien d'autre.

 

A suivre...

 

 

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